14/03/2025 |
Nos hommes ont besoin d’aide |
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![]() Photo : Martine Doucet Un homme désespéré, au bout du rouleau, en crise, frappé de panique ou sur le point de commettre un geste de folie n’a quasi nulle part où aller au Québec. S’il devient violent, là, on saura le diriger : il existe 33 organismes pour conjoints violents dans la province. Et s’il commet un homicide, on sait aussi où l’envoyer : en prison. Mais avant d’en arriver à ces extrêmes, rarissimes sont les planches de salut. « Pourtant, le malheur n’est pas réservé à un sexe. Il y a aussi des hommes qui souffrent ! » lance Gilles Rondeau, professeur à l’École de service social de l’Université de Montréal. Chez l’homme, le désarroi, la tristesse profonde et le malheur peuvent rapidement s’exprimer par la colère, l’agressivité, voire la violence. C’est tout simplement génétique, explique Yvon Dallaire, psychologue en thérapie conjugale et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. D’où l’importance de faire de la prévention, d’aider les hommes en détresse avant que la mauvaise passe qu’ils traversent puisse dégénérer. |
« Il faut prendre conscience des différences génétiques entre le comportement des hommes et celui des femmes », répète Yvon Dallaire. Les deux sexes ne vivent pas la souffrance de la même façon et, contrairement aux femmes, les hommes ne demandent pas d’aide. Ils s’enferment dans le silence. « Quand on élève des garçons, on ne leur apprend pas à appeler à l’aide, on juge que c’est un signe de faiblesse. Un homme doit en tout temps être responsable, et compter sur ses propres ressources », dit le psychologue. « Si une femme pleure, on sait quoi faire avec elle. Mais avec un homme... on est pris au dépourvu », croit aussi Geneviève Landry, directrice générale de L’Entraide, un des rares organismes au Québec auxquels un homme peut faire appel s’il se sent au bord du gouffre. Depuis 1993, en Montérégie, L’Entraide offre des services à deux types de clientèle : les hommes au comportement violent et ceux qui, à la suite d’une rupture éprouvante par exemple, vivent de la détresse psychologique. « Les organismes qui n’aident que les hommes en détresse n’obtiennent aucun financement gouvernemental. Ils ne peuvent pas survivre », lâche Geneviève Landry. L’Entraide, en accueillant également les hommes violents, réussit à subsister avec un maigre 140 000 $ par année. Au total, les organismes voués à la cause des hommes violents se partagent des subventions de quelque cinq millions de dollars. « On dirait que lorsque les mots violent ou violence font partie du nom de l’organisme, ce dernier a plus de chances de recevoir des fonds », avance Lise Bilodeau, présidente-fondatrice de l’Action des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints du Québec (ANCQ). Le professeur Gilles Rondeau fait le même constat : « Très peu d’organismes communautaires travaillent directement pour les hommes, avec les hommes. Ceux qui sont subventionnés traitent de violence chez les hommes ou de violence conjugale. » Pourtant, nos hommes ont manifestement besoin d’aide. Au Québec, le nombre de suicides est effarant : 2,7 hommes en moyenne se sont enlevé la vie, chaque jour, en 2005, selon l’Institut de la statistique du Québec. La violence retournée contre soi-même est révélatrice : « Les hommes qui ont fait une tentative de suicide sont plus susceptibles que d’autres de tuer leur conjointe ou leurs enfants », dit Joël Bertomeu, réalisateur de L’amour qui tue. Maude Goyer |
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